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Rapport Cadiet sur l’open data des décisions de justice

En juin dernier l’association Open Law* Le Droit ouvert a été auditionnée dans le cadre de la Mission d’étude sur l’open data des décisions de justice qui vient de publier son rapport.

Retour sur quelques-uns des grands enjeux analysés par ce rapport et les conclusions de l’audition (compte-rendu disponible en annexe de l’étude à la page 86) où Camille Charles (chargée de mission) Michael Benesty, et Jean Delahousse (adhérents) ont partagé les avancées des travaux du Programme Open « Case » Law initiés par l’association en partenariat avec la DILA dès septembre 2016.

Le rapport intitulé « L’Open Data des décisions de justice » aborde en premier lieu les grands enjeux de l’open data jurisprudentiel avant de présenter en seconde partie une analyse juridique poussée et détaillée des problématiques liées à la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, avec un focus intéressant sur le débat de l’anonymisation des professionnels de la justice. Jalonné par vingt recommandations, le rapport se conclut par une troisième partie consacrée au circuit de production, de collecte, de gestion, et de diffusion de la jurisprudence par les deux ordres juridictionnels. Parmi les nombreuses annexes, notons l’intégration d’un tableau récapitulatif des exceptions à la publicité des décisions particulièrement utile aux juristes.

Les enjeux liés à l’open data pour les principaux acteurs privés

L’un des principaux points de vigilance évoqué lors de l’audition, parfaitement bien identifié et développé dans le rapport, concerne les ruptures d’égalité en matière de traitement de ces données de masse (big data). En effet, le rapport pointe « la surcharge d’informations difficilement exploitables et non hiérarchisées » qui nuit paradoxalement au renforcement du principe fondamental d’accessibilité au droit auquel l’open data est censé naturellement répondre, en réservant les meilleurs outils d’analyse à une minorité d’acteurs.

Face à l’ampleur des moyens technologiques à mobiliser, le risque de concentration monopolistique autour de certains acteurs, éditeurs juridiques ou LegalTechs ayant connu la plus forte croissance dans ce domaine, fait peser une menace sur l’indépendance et l’attractivité du système juridique français. C’est bien à la lumière de ces enjeux que la recommandation n°1 du rapport préconise de « Confier aux juridictions suprêmes le pilotage des dispositifs de collecte automatisée des décisions de leur ordre de juridiction respectif, y compris celles des tribunaux de commerce pour l’ordre judiciaire, et la gestion des bases de données ainsi constituées. »

Transparence des algorithmes et standards ouverts

Afin que la forme ne desserve pas le fond, et dans la continuité de la problématique précédente, il est indispensable que les formats et les standards de collecte, de gestion et de diffusion des décisions de justice soient transparents et accessibles à tous. A cet égard, la mission propose notamment dans sa recommandation n°20 de « Réguler le recours aux nouveaux outils de justice dite « prédictive » par : l’édiction d’une obligation de transparence des algorithmes ; la mise en œuvre de mécanismes souples de contrôle par la puissance publique ; l’adoption d’un dispositif de certification de qualité par un organisme indépendant. ». Cette recommandation fait écho à l’article 6 de la Charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses acteurs (Information loyale, claire et transparente) sur l’usage des algorithmes, récemment ajouté.

A l’appui de cette nécessité, le rapport cite en sa page 40 l’article L. 300-4 du Code des relations entre le public et l’administration, qui prévoit, conformément aux dispositions de la loi du 7 octobre 2016 relatives à l’ouverture ou à la circulation de données, que toute mise à disposition de documents sous forme électronique « se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé » et n’hésite pas à invoquer judicieusement l’article 15 de la Déclaration de 1789, selon lequel « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », garantissant ainsi « le droit d’accès aux documents d’archives publiques ».

Distinction de régime juridique entre anonymisation et pseudonymisation.

Dans la continuité du Programme 5 – Open « Case » Law, on constate également que le rapport Cadiet met bien en garde sur les différents enjeux liés à l’anonymisation des décisions de justice et les questions relatives à la pseudonymisation. On soulignera la clarté de la distinction entre ces deux notions et l’importance de la recommandation 5, qui mettent en exergue la volonté de pseudonymiser l’ensemble des données à caractère personnel liés à une personne physique, indifféremment de sa qualité et sous réserve de ce qui pourrait être décidé concernant les professionnels de la Justice.

Les potentialités offertes par l’intelligence artificielle en matière d’anonymisation des décisions de justice.

Les différentes expériences menées en la matière et la masse considérable de conclusions de recherche publiées à ce sujet, notamment dans le domaine médical, laissent penser que les approches basées sur le machine learning permettent de réduire de façon significative le taux d’erreur des systèmes de pseudo-anonymisation automatisés (en particulier ceux basés sur des règles) mais restent imparfaites. Cela implique, en fonction des recommandations de la Cnil (recommandation 3), une relecture des décisions par des humains qui peut s’avérer coûteuse et ralentir l’ouverture effective des données. Ces difficultés sont évoquées aux paragraphes 50 et suivants du rapport.

Bibliographie

Afin d’approfondir et de compléter ces analyses, l’association Open Law vous propose une bibliographie sélective sur le sujet :

  • Dossier bibliographique – Colloque du 14 octobre 2016 – La jurisprudence dans le mouvement de l’open data. Cour de cassation [en ligne]. Octobre 2016.
  • Livre Blanc sur l’Open data jurisprudentiel. Open Law*, le droit ouvert [en ligne]. Janvier 2017.
  • CASSAR, Bertrand. De la Pseudonymisation à l’Anonymisation des données à caractère jurisprudentiel, Mémoire sous la direction de Thomas SAINT-AUBIN [en ligne]. Septembre 2016.
  • BARTHE, Emmanuel. Anonymiser automatiquement les décisions de justice : des solutions. precisement.org [en ligne].
  • Livre blanc sur L’ouverture des données publiques : nouvelles obligations et nouveaux acteurs. Inno3 [en ligne]. Juin 2017.

Egalement sur le sujet :

  • BUAT-MENARD, Eloi & GIAMBIASI Paolo. La mémoire numérique des décisions judiciaires – L’open data des décisions de justice de l’ordre judiciaire. Recueil Dalloz, D. 2017. 1483.
  • DEBET, Anne, MASSOT, Jean et METALLINOS Nathalie. Informatique et libertés – La protection des données à caractère personnel en droit français et européen. L.G.D.J., Les Intégrales. ISBN : 978-2-35971-093-9. p. 1245.
  • Le G29 publie un avis sur les techniques d’anonymisation. CNIL [en ligne]. avril 2014.
  • Conclusions du Conseil préconisant l’introduction d’un identifiant européen de la jurisprudence et un ensemble minimal de métadonnées uniformes pour la jurisprudence. EUR-Lex [en ligne]. 29 avril 2011.
  • Rapport annuel 2010 – La protection des informations à caractère personnel dans le cadre de l’ouverture et du partage des données publiques. Conseil d’Orientation de l’Edition Publique et de l’Information Administrative (COEPIA). [en ligne]. 2010.
  • Bilan de l’application de la recommandation de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés du 29 novembre 2001 sur la diffusion de données personnelles sur Internet par les banques de Jurisprudence : pour un encadrement législatif renforçant la protection des données à caractère personnel en matière de diffusion de décisions de justice. CNIL [en ligne].

Bonne lecture !

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