Jean-Marc Weller, sociologue et chercheur au CNRS spécialiste de la fabrique administrative du droit, Camille Girard-Chanudet, sociologue, doctorante l’EHESS préparant une thèse sur la conception de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde de la justice, et Vincent-Arnaud Chappe, sociologue chargé de recherche au CNRS et spécialiste des questions de discriminations au travail, viennent de lancer le site web Topo.Lex.
Camille et Vincent étaient présent.e.s le 21 octobre dans nos locaux pour présenter le projet à la communauté Open Law*..
La sociologie du droit, le rappelle Vincent, est un des terrains fondateurs de la sociologie : le droit donne du sens à la société, en est un poste d’observation privilégié. Depuis quelques années, on se pose de nouvelles questions : Comment produit-on le droit ? Comment la justice fonctionne t-elle ? Comment les mouvements sociaux, la société civile s’emparent du droit…? Il y a une profusion de nouvelles questions qui appellent de nouvelles enquêtes permettant de comprendre le droit au-delà des codes, la façon dont il se pratique, très concrètement.
Dans la lignée du material turn, la sociologie s’intéresse de plus en plus à la façon dont les objets d’étude s’incarnent dans des choses très matérielles (espaces architecturaux, algorithmes, etc.), au-delà des discours. En sociologie du droit, cela a donné naissance à un nouveau courant, la “Legal Materiality” : il n’y a pas de droit sans objet de droit (tribunaux, dossiers, cartons, robes de juges, etc.).
L’inspiration première du site web Topo.Lex est scriptopolis.fr : des contributeurs viennent documenter, par une photo assortie d’un court texte, la place de l’écrit dans la ville. Alors que la pandémie a mis un coup d’arrêt à l’activité du laboratoire de recherche, les trois chercheur.e.s proposent de se lancer dans le projet Topo.lex : sur le modèle de Scriptopolis, il s’agit de documenter cette fois les réalités matérielles du droit, les dispositifs concrets qui font que le texte a de la force, et de la rendre visible en photo (qui doivent aussi être accompagnées d’un court texte qui se veut plus un regard réflexif, une intuition, qu’une analyse).
Cette micro-enquête se veut une collection d’images permettant de rendre compte du fait que le droit est partout présent autour de nous (dispositifs de sécurité…). Ainsi, s’il est difficile de définir ce qu’on entend par “objets matériels du droit”, les intervenant.e.s ne souhaitent pas aller plus loin dans la définition. Cette position est assumée comme étant partie de l’enquête et la recherche de positionnements différents. Quant à ce que l’on appelle “le droit”, ce projet s’intéresse justement à ce que les gens appellent “droit”, les représentations qu’ils s’en font. Le projet se veut aussi démocratique : on veut dénaturaliser le droit, si incorporé à nos vies qu’on ne le voit plus.
Parmi la collection d’images déjà en ligne sur le site web Topo.lex, on trouve un chariot qui sert à transporter les dossiers dans les tribunaux, des documents administratifs conservés par un agriculteur…
Présentation complète du projet ici
Contribuer à Topo.lex
Le projet Topo.lex est collaboratif : il s’agit d’en faire un outil réflexif, appropriable pour toutes celles et ceux qui se questionnent, se demandent ce que le droit nous fait faire… Pour contribuer, il suffit de se rendre sur la page dédiée du site, de poster sa photo ainsi qu’un texte de 2000 signes maximum.